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17 février 2011 4 17 /02 /février /2011 07:54

 

rino-intro21 février date de son exécution par les nazis, comme chaque année, le Collectif rend hommage à Rino Della Negra par un bouquet de fleurs déposé devant le stade Bauer, là ou se trouve la plaque commémorative qui lui est dédiée.

Le texte ci-dessous écrit par une auteure italienne évoque « la Petit Italie » terre d'émigration pour toute une communauté fuyant le fascisme comme Inès, Rino, Dédé, Gaby, Tonino..."Je suis le lieu où je me retrouve, je suis le lieu d'où je viens, je suis le lieu où je vais..." Amina Saïd, poétesse algérienne.

rino-hommage-2Ils n'ont pas grand chose de subversif quand je les rencontre chez les Crouin avec Simone Iemmi-Cheneau, présidente de la Fraternité d'Emilie-Romagne ( 1 ).

Inès Tonsi, la doyenne, a encore le visage angélique encadré de boucles blondes; Gaby et Dédé ( Gabrielle Simonazzi et André Crouin ) respirent l'énergie et la générosité de tous leurs pores et nous ont reçus avec une extrême hospitalité. Pourtant ils ont fait partie des «subversifs» de la Fraternité d'Emilie-Romagne et pendant la guerre ont couru des risques énormes.

Leur «ami» commun : Rino Della Negra. Né dans le Pas-de-Calais de parents frioulans, il était arrivé tout jeune à Argenteuil, dans le quartier italien appelé Mazagran ( Mazzagrande ) , en majorité habité de gens d'Emilie-Romagne ( Inès de Sassuolo, Gaby de Montecchio et la mère d'André était de Cavriago, c'est tout dire ). Rino était en classe avec Gaby et très ami avec son frère Tonino,

rino-4Rino-1Très bons au football, ils ont intégré la petite équipe de la ville, composée principalement d'italiens. Lui après ira jouer pour le Red Star et serait devenu célèbre si les nazis n'en avaient décidé autrement. En 38, Tonino décide de partir pour la Guerre d'Espagne, André va avec lui en italianisant son nom en Cruoino pour être accepté, cas plus que rare dans un pays où beaucoup d'italiens ont fait exactement le contraire et nous trouvons par exemple un Yves Montand à la place de Ivo Livi. Il rentre en 39, se marie avec Gaby mais doit retourner à la guerre. Puis la prison à Dijon et la déportation à Rawa-Ruska ( 2 ) à la suite d'une tentative d'évasion les séparent pendant 5 ans.

Tonino pendant ce temps est rentré chez lui, a poursuivi son activité antifasciste, entraînant aussi sa soeur pour de «petites» courses. Gaby travaillait alors dans la cantine d'une usine d'aviation et en mettant la table, glissait des tracts et des renseignements sur les chaises ou sous les assiettes.

De temps en temps, elle devait quitter sa chambre : «Rino est là ce soir» lui disait son frère quand Della Negra venait voir ses parents en cachette. Depuis qu'il avait refusé de partir travailler en Allemagne ( le Service du Travail Obligatoire ) il était entré en clandestinité.

Gaby ne savait pas exactement ce qu'il faisait. Inès au contraire si : elle était une de ses estafettes, l'agent de liaison comme on disait. A l'époque elle avait déjà 23-24 ans et passait son temps à porter des tracts et des armes d'un bout à l'autre de Paris. «Pour moi c'était plus facile» raconte-t-elle, «les femmes n'étaient presque jamais contrôlées, sauf vers la fin quand ils ont commencé à comprendre que nous étions aussi dangereuses». Peur ? Très, «mais quelqu'un devait pourtant le faire» . Et puis elle avait ses trucs : elle circulait avec une mallette à double fond pratiquement vide et l'ouvrait de sa propre initiative quand elle était arrêtée : s'ils l'avait prise ils se seraient rendu compte qu'elle était trop lourde pour les «deux chiffons» qu'elle contenait. Elle cousait l'argent destiné à financer la Résistance à l'intérieur des épaulettes de sa veste. Un tas de petites astuces qui lui ont sauvé la vie.

Rino Della Negra alterne les entraînements au Red Star et les opérations antifascistes avec le groupe des FTP-MOI, mené par l'arménien Manouchian. Une de leurs tâches était de prévenir les juifs des rafles nazies, parmi elles, celle tragiquement connue de juillet 1942 ( 3 ). Et puis les attentats, des dizaines et des dizaines d'attentats : attaques de casernes, déraillements de trains, embuscades contre les patrouilles de soldats allemands. Rino a participé à l'exécution du général Von Apt, à la destruction du siège du parti fasciste italien ( rue Sédillot, où il y a maintenant le lycée «Léonard De Vinci» ), à l'attaque de la caserne Guynemer de Rueil.

Le 12 novembre 1943 Della Negra et quelques autres attaquent un convoyeur de fonds allemand.

Dans la fusillade, Rino reçoit une balle dans le dos. Inès n'était pas loin mais s'échappe à temps pour ne pas être arrêtée. Ils le transportent à l'hôpital, «ils voulaient le sauver pour pouvoir mieux le torturer», dit Inès Tonsi avec lucidité.

Deux fois l'angélique estafette prépare un camion avec un fusil-mitrailleur pour le faire évader, en vain.

Le 15 février 1944 il est condamné à mort en même temps que 22 autres «criminels» antifascistes. Sur les murs apparaît une affiche rouge, «l'affiche rouge» , qui dit «Des libérateurs ? La libération par l'armée du crime ! », et qui reproduit les photos d'une dizaine d'entre eux.

Ils seront fusillés le 21 février au Mont-Valérien, à quelques mois de la libération. C'est Inès Tonsi qui devra reconnaître le corps.

Après la mort, en février 1944, la mère de Rino a reçu un paquet avec ses vêtements encore tâchés de sang. Au cimetière, sur la tombe il n'y avait pas même le nom, seulement un numéro, et s'ils essayaient de porter des fleurs elles étaient immédiatement enlevées. Ses parents en sont morts de douleur. Aujourd'hui encore Gaby se rappelle avec mépris des articles de l'époque : «il avait des yeux d'assassin», disaient-ils. Absurde, soutiennent-ils, il était bon, généreux, courageux.

La dernière lettre qu'il a envoyée à sa mère avant de mourir dit «Embrasse pour moi tout Argenteuil, sans oublier personne» et demande au frère de saluer l'équipe du Red Star.

«Quel effet vous font Fini ( 4 ) à la Chambre et Alemanno ( 5 ) à Rome ?» ai-je demandé à Simone, Inès, Gaby et André. Effet ? Sûr que ça nous fait de l'effet. Nous, nous avons dû quitter l'Italie à cause du fascisme, nous nous sommes toujours battus contre ce genre d'idées s'insurgent-ils. Et après les avoir entendus raconter des histoires aussi courageuses et émouvantes, cela doit vraiment faire un effet considérable.

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( 1 ) Association La Fratellanza Reggiana. 41 bis rue de Gode- 95100 Argenteuil.

( 2 ) Dès juin 1941, les Allemands avaient établi, sur tout le territoire conquis, des camps de prisonniers de guerre pour les Russes. Dans le camps de Rawa-Ruska ( aujoud'hui la ville de Rava-Russkaya sur le terrritoire de l'Ukraine ), 18 à 20 000 prisonniers russes périrent, dans des conditions épouvantables, durant les cinq premiers mois. Un second contingent de 4 000 précéda les Français de quatre mois : il ne devait en survivre que 400 !

( 3 ) 16 juillet 1942. Rafle du Vel d'hiv, la plus importante rafle de Juifs en France. Près de 13 000 personnes sont arrêtées avant d'être déportées vers les camps nazis.

( 4 ) Gianfranco Fini, Président de la Chambre des communes italiennes depuis le 30 avril 2008. Ancien président fondateur du parti Alliance national ( Alleanza nazionale ) héritier du MSI ( Movimento sociale italiano ) néo-fasciste.

( 5 ) Giovanni Alemanno ancien néo-fasciste du MSI est élu Maire de Rome le 28 avril 2008.

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Source Focus in

Texte publié avec l'autorisation de l'auteure.

Remerciements à Françoise pour la traduction.

Notes de bas de page du Collectif.

Photos Le Collectif, Archives personnelles des amis de Rino

et Archives de la ville d'Argenteuil.

rino-7 rino-6

rino-8

Rino Della Negra avant-centre, Tonino Simonazzi milieu droit.

rino-5

Tonino, en haut troisième en partant de la gauche, Rino avec le ballon.

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